Immobilier d’entreprise : la grande note macro-économique S2 2025

Analyse complète des tendances, des financements, des risques et des opportunités

L’année 2025 marque un tournant majeur pour l’immobilier d’entreprise. Après deux années de turbulences historiques — hausse des taux, dégringolade des valorisations, effondrement des volumes d’investissement — le marché semble enfin entrer dans une phase plus stable.

Mais cette stabilité n’a rien d’un retour au monde d’avant : S2 2025 est l’ère de la sélectivité, de la discipline financière, et d’un changement profond de paradigme. L’immobilier n’est plus un actif où « la valeur monte mécaniquement avec les taux ». C’est désormais un univers où le rendement locatif, la qualité des locataires, et la performance énergétiqueconstituent les moteurs essentiels de la valeur.

Cette note macro-économique complète s’appuie sur les dernières publications de CBRE, BNP Paribas Real Estate, BNP Paribas REIM et ImmoStat, avec une vision croisée sur l’économie, le financement, les marchés immobiliers et les horizons d’investissement.

1. Une économie molle mais résiliente : le socle d’un marché immobilier stabilisé

L’économie européenne évolue en 2025 dans un environnement paradoxal : la croissance est faible, mais la récession redoutée en 2023–2024 ne s’est jamais matérialisée.

Selon la Banque de France et les projections macroéconomiques de la BCE, la zone euro enregistre une progression comprise entre +0,2 % et +0,3 % au second semestre. La France, de son côté, devrait atteindre +0,7 % sur l’ensemble de l’année, un niveau modeste mais suffisant pour éviter un nouveau choc sur la demande immobilière.

Cette croissance molle a un avantage : elle détend la pression inflationniste, ce qui contribue à restaurer progressivement la confiance. En octobre 2025, l’inflation européenne tourne autour de 2,1 %, quasiment à la cible de la BCE. La stabilité des prix change la dynamique immobilière : les investisseurs retrouvent une forme de visibilité sur les loyers, les indexations et l’évolution des charges.

La politique monétaire s’inscrit dans la même logique. Le 11 septembre 2025, la BCE décide de maintenir ses taux directeurs inchangés. Cette « pause durable » met fin à deux ans de volatilité extrême. Les marchés n’anticipent plus de hausses supplémentaires, mais n’intégrent pas non plus de baisse rapide.

En clair : les taux resteront élevés mais prédictibles, ce qui constitue un changement majeur pour les investisseurs immobiliers.

2. Crédit : un marché devenu exigeant mais enfin praticable

L’accès au financement reste l’un des sujets les plus structurants pour l’immobilier d’entreprise.

Les enquêtes de la BCE montrent que les banques continuent de resserrer légèrement leurs critères de crédit, surtout pour les entreprises exposées aux cycles immobiliers. Ce resserrement est toutefois beaucoup moins brutal qu’en 2023–2024. Les banques ne ferment plus la porte : elles la laissent entrouverte, mais uniquement pour les dossiers solides.

Cette sélectivité se traduit par plusieurs évolutions concrètes :

  • Les établissements privilégient désormais les dossiers présentant un risque locatif faible, des locataires pérennes, et des actifs bien situés.

  • Les taux d’intérêt se stabilisent, mais les marges bancaires commencent à se contracter, ce qui réduit le coût global de la dette.

  • Les transactions reposant sur un financement bancaire sont donc possibles, mais la qualité du dossier dicte l’accès au crédit.

Nous entrons dans un marché où la capacité à structurer des projets crédibles, maîtrisés et bien présentés devient un avantage compétitif majeur. Ce n’est plus l’argent bon marché qui fait l’opération : ce sont la qualité intrinsèque de l’actif, la robustesse du cash-flow, et la conformité énergétique.

3. Volumes d’investissement : le marché redémarre, lentement mais sûrement

Du côté des transactions, les données publiées par ImmoStat montrent un redémarrage timide mais bien réel.

Au troisième trimestre 2025, 2,7 milliards d’euros ont été investis en immobilier d’entreprise en France. C’est moins qu’en 2024 sur la même période, mais le cumul annuel atteint 8,7 milliards, représentant une hausse de 7 % par rapport à 2024.

Le premier semestre avait déjà donné le ton avec 6,8 milliards d’euros investis, soit +11 % en un an.

Le marché reste faible comparé aux années 2017–2019, où les volumes annuels dépassaient 30 milliards d’euros. Mais la dynamique est claire : le point bas est derrière nous.

En Europe, CBRE observe une réduction sensible du « bid-ask spread », c’est-à-dire de l’écart entre les prix demandés par les vendeurs et les offres des acheteurs. Ce phénomène est essentiel : tant que cet écart n’est pas réduit, le marché est paralysé.

En 2025, les vendeurs ont intégré le nouveau prix de marché, et les acheteurs commencent à accepter que la décote maximale est probablement déjà passée. Le résultat est une fluidification progressive des transactions, surtout sur les actifs prime et les commerces essentiels.

4. Immobilier d’entreprise : état des lieux par typologie

4.1. Bureaux : une crise qui devient structurelle

Le marché des bureaux traverse une transformation profonde.

Les chiffres publiés fin 2024 mentionnaient plus de 9 millions de m² vacants, dont 2 millions depuis plus de deux ans. Certaines zones de première couronne atteignent des taux de vacance supérieurs à 25 %.

Au-delà de la conjoncture, c’est un modèle qui bascule : télétravail, flex office, exigences ESG et obsolescence accélérée.

En S2 2025, la tendance s’est encore renforcée. Les bureaux prime — modernes, centraux, performants — continuent de se louer.

Les autres sont pris dans un étau :

  • obsolescence technique,

  • coûts de rénovation gigantesques,

  • réglementation énergétique,

  • financement compliqué.

Les opportunités existent, mais uniquement via des stratégies value-add maîtrisées, intégrant rénovation lourde ou reconversion (logement, coliving, activités, éducation…).

4.2. Logistique & locaux d’activités : un segment toujours solide

La logistique et les locaux d’activités demeurent l’un des segments les plus résilients du marché.

Les loyers continuent de progresser sur les grandes métropoles et les axes logistiques structurés. La vacance reste faible, ce qui protège le rendement.

Même si les volumes d’investissement ont reculé après les excès de la période e-commerce, la demande reste structurellement forte, tirée par :

  • la transformation du retail,

  • la montée des besoins de stockage,

  • la réindustrialisation partielle du territoire,

  • la recherche d’actifs à cash-flow stable.

Ce segment demeure l’un des meilleurs couples rendement / risque locatif en 2025.

4.3. Commerces et retail : le grand retour des actifs essentiels

Après avoir été l’un des secteurs les plus malmenés de 2015 à 2022, le commerce connaît un retour en grâce marqué.

Les retail parks alimentaires, les supermarchés, les commerces du quotidien et les cellules en entrée de ville affichent une résilience exceptionnelle. Ils profitent de la reprise de fréquentation, de l’indexation des loyers, et d’un coût de capex relativement modéré.

Les études de CBRE confirment une baisse de la vacance commerciale et un regain d’intérêt des investisseurs, notamment institutionnels. Les actifs “commodités” sont particulièrement recherchés :

ils combinent visibilité sur les loyers, stabilité des revenus, et adaptation aux modes de consommation actuels.

4.4. Résidentiel institutionnel : une montée en puissance progressive

Le résidentiel géré (coliving, résidences seniors, résidences étudiantes, logements intermédiaires massifiés) attire de plus en plus les institutionnels.

La demande est structurelle, les besoins sont massifs, et les valorisations sont plus stables que dans le tertiaire.

S2 2025 confirme donc l’émergence d’un marché plus mature et plus lisible, même si les contraintes réglementaires et la rareté du foncier restent des obstacles majeurs.

5. Les trois forces structurelles qui redessinent l’immobilier en 2025

5.1. La performance immobilière repose désormais sur le revenu

L’une des conclusions les plus marquantes du rapport BNP Paribas REIM – Lighthouse H2 2025 est la suivante :

la croissance des revenus locatifs devient le premier moteur de performance, avant la compression des taux de capitalisation.

C’est une rupture profonde.

La plus-value ne vient plus du marché, mais de l’opérationnel.

Un actif performe s’il génère :

  • des loyers stables et croissants,

  • des locataires solides,

  • une vacance maîtrisée,

  • des charges contrôlées.

Ce changement crée une prime énorme pour les actifs bien gérés, bien entretenus et bien positionnés.

5.2. L’apparition d’un stock latent d’actifs en difficulté

Le Financial Times souligne que certains segments — notamment les bureaux dans les grandes métropoles européennes — ont subi des baisses de valeur allant jusqu’à 30 à 40 % depuis 2022.

Les banques, confrontées à ce choc, adoptent souvent une stratégie dite “extend and pretend” : elles préfèrent renégocier et étendre les échéances plutôt que d’exiger la liquidation des actifs.

Cela crée une situation inédite :

  • peu de ventes forcées visibles,

  • mais un stock latent d’actifs fragilisés, qui pourraient réapparaître sur le marché en 2026–2027.

Pour les investisseurs, S2 2025 est une période de préparation stratégique :

les meilleures opportunités pourraient apparaître dans les 12–24 mois.

5.3. ESG & transition énergétique : un choc structurel irréversible

Le bâtiment représente près d’un tiers de l’énergie consommée et des émissions de CO₂. La réglementation se durcit, les normes se multiplient, et les exigences des locataires évoluent.

Désormais, la valeur d’un actif dépend directement de sa capacité à :

  • réduire ses consommations,

  • produire une part de sa propre énergie (photovoltaïque),

  • intégrer des équipements performants (CVC, isolation),

  • se conformer aux obligations européennes et françaises.

Les actifs non conformes subissent un brown discount de plus en plus marqué.

Les actifs rénovés et performants bénéficient au contraire d’un green premium.

Ce phénomène influence désormais la valeur, la liquidité, le financement… et même la fiscalité.

6. Conclusion : S2 2025, un marché exigeant mais riche en opportunités

Le second semestre 2025 marque une transition claire :

nous sortons d’une période de choc, mais nous n’entrons pas dans une euphorie.

Le marché immobilier devient un marché professionnel, analytique, et extrêmement sélectif.

Les opportunités existent — et elles sont nombreuses — mais seulement pour ceux qui s’appuient sur :

  • une analyse rigoureuse du cash-flow,

  • une compréhension fine des dynamiques ESG,

  • une approche réaliste des risques locatifs,

  • et un financement structuré.

2025 n’est pas l’année du rebond spéculatif.

C’est l’année où l’on construit les performances de demain.